Définition de CRU, CRUE
Prononciation : kru, krue
DÉFINITIONS
1
Qui n'est point cuit. De la viande crue. Des fruits crus.Préparer les viandes qu'auparavant ils dévoraient crues
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Inég. 2e part.
Sémantique : Fig.
La sagesse toute sèche et toute crue fait mal au coeur
Ils n'en suivaient pas la doctrine toute crue
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. X
2
Qui est d'une digestion difficile. Le concombre est très cru.3
De l'eau crue, eau chargée de sels et qui ne peut dissoudre le savon ni cuire les légumes.L'eau que je buvois était un peu crue et difficile à passer, comme sont la plupart des eaux des montagnes
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. VI
4
Qui n'a pas encore subi de préparation. Cuir cru. Soie crue. Métaux crus, ceux qui sont tels qu'ils sortent de la mine.Chanvre cru, chanvre qui n'a pas été trempé dans l'eau.
5
Qui n'a pas encore subi une élaboration suffisante.Ces semences, tant qu'elles sont vertes et crues, demeurent attachées à l'arbre pour prendre leur maturité
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Conn. V, 2
Sémantique : Terme de médecine. Humeurs crues, matières crues, celles qui n'ont pas reçu le degré de coction nécessaire.
6
Qui est à l'état de simple ébauche, en parlant des choses de l'esprit. Ce n'est encore là que sa pensée toute crue.Ronsard avait forcé notre langue par des inversions trop hardies et obscures ; c'était un langage cru et informe
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans t. XXI, p. 191
7
Sémantique : Terme de peinture. Un ton cru, ton qui ne se fond pas avec les autres. Couleur crue, couleur trop tranchante.Ce ne sont point les feuilles d'un vert cru qui font les admirables paysages
de François René CHATEAUBRIAND dans Itin. 111
Lumière, ombre crue, se dit quand les grands clairs ne sont pas séparés des grands bruns par des gradations de nuances.
8
Choquant, dur, en parlant des expressions, du langage. Cela est bien cru.Je te vois accablé d'un chagrin si profond, Que j'excuse aisément ta réponse un peu crue
de Pierre CORNEILLE dans la Veuve, III, 3
À cru, d'une façon crue.
Elle veut qu'en détours la chose s'enveloppe, Et ce mot dit à cru lui cause une syncope
Peu décent, trop libre. Ils ont tenu devant elle des discours un peu trop crus.
9
À cru, Nature : loc. adv. Sur la peau nue.Bottés à cru les gros milours [milords], Armés d'épieux, en habits courts
de Paul SCARRON dans Virg. trav. IV
Il prit les bottes qui étaient au pied du lit et les ayant chaussées à cru.... s'alla mettre auprès de l'Olive
de Paul SCARRON dans Rom. com. 2e part. ch. 2
Leurs transparents seraient plus beaux, si elles voulaient les mettre à cru
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 324
N'avoir de la dévotion que ce retranchement me paraît être bottée à cru
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 548
Un surtout emprunté Vêtit à cru ma triste nudité
Monter à cru, monter un cheval sans selle ni couverture.
Il fut étonné de voir Massinissa, âgé pour lors de plus de quatre-vingts ans, monté à cru sur un cheval selon la coutume de son pays, donner partout les ordres comme un jeune officier et soutenir les fatigues les plus dures
Les barbares [Francs] montaient à cru des étalons sauvages
de François René CHATEAUBRIAND dans Mart. 190
Sémantique : Terme d'architecture. Une construction porte à cru, quand elle repose sur le sol même, et non sur des fondements.
Teindre sur le cru, ou teindre à demi-bain, mettre les soies à la teinture, sans qu'elles soient bien décreusées.
REMARQUE
1
Cet adjectif se met toujours après son substantif.HISTORIQUE
1
XIIIe s.Riens qu'on peüst mangier [il] n'i ot ne cru ne cuit
dans Berte, XXXVI
Et quanqu'il i aura de cuirier [cuir] cru es charretes
dans Liv. des mét. 280
2
XIVe s.Mais les autres plus impurs sont, Por ce que le vif argent ont Trop crud et leur soulphre terrestre Trop aduste....
dans Nat. à l'alch. err. 129
3
XVe s.Au roy fut faicte la responce non point creue, mais la plus honneste qu'on l'eust peu entendre
de Philippe de COMMINES dans II, 13
4
XVIe s.Son herbe tant verde et crude que conficte et preparée
de François RABELAIS dans III, 47
Ils trouvoient trop crud de dire qu'il n'estoit pas plus vraisemblable que la neige feust blanche que noire
de Michel de MONTAIGNE dans II, 317
Ce fut aussi un estat nouveau quand la ligue formée monstra les cornes en desploiant ses tiltres et ses forces armées à cru de toutes les fonctions et authoritez d'un parti
Un feuillant boiteux, qui armé tout à crud se faisoit faire place avec une espée à deux mains
dans Sat. Mén. p. 13
Le labeur toutesfois ses membres ne consomme, Tant il est cru [verd] vieillard
de Pierre de RONSARD dans 746
Aucuns font leur mere ou saloir, d'une peau de beuf crue, un peu salée
de Olivier DE SERRES dans 839
Armure à cru
de MONET dans Dict.
Un discours bien crud
de Antoine OUDIN dans Curios. fr.
Vous me la baillez crue [vous me la donnez belle]
dans les Marguer. de la Marguerite, t. I, f° 90, dans LACURNE.
ÉTYMOLOGIE
1
Liégeois, crou ; namurois, cru, froid et humide en parlant du temps ; provenç. cru ; espagn. et ital. crudo ; du latin crudus.